LES PASSEURS DE MÉMOIRE DU PAYS DE DURAS: LES FACTEURS SE MODERNISENT DANS LES ANNÉES 30 PAR RENÉ BLANC

Les facteurs des PTT se modernisent 

(Note de René Blanc : anecdotes véridiques, l’auteur a bien connu les facteurs cités) 

Vers 1930, nos facteurs ruraux des Postes, Téléphone, télégraphe, après avoir un temps soupesé la question, décidèrent pour la plupart d’entre eux, d’acheter chacun une mobylette pour faire leur tournée plus rapidement et avec moins de fatigue. 

C’était l’époque où ces engins portaient des noms certains oubliés depuis,  Ravat, Alcyon, Terrot, Motobécane.. Toutes entraînées par des courroies trapézoïdales et munies d’un drôle d’avertisseur en forme de poire à lavement, absolument inefficace parce que son faible couinement était couvert par le bruit pétaradant du moteur à échappement pratiquement libre.

Et les voilà lancés sous un ciel lumineux, prometteur d’une chaleur à cuire des œufs sous les plumes d’une poule couveuse. Mais dès le 1er soir, un facteur motorisé n’apparut pas. Mort, accidenté ? Le Receveur se posait des questions. Il téléphona aux maires des communes desservies par ce facteur, et la réponse était toujours la même. 

« Il est passé avec sa moto, mais ne s’est pas arrêté. Il nous criait dans son patois : Tournereï passa ! « (Je repasserai).

Lorsqu’il se présenta enfin à la nuit noire, le receveur inquiet questionna : 

« C’est pour aller plus  vite que vous vous motorisez, mais vous rentrez plus tard ? »

«  Ah Mr le Receveur, j’ai cet engin depuis ce matin et le Mimile qui me l’a vendu a oublié de me montrer le petit truc pour le ralentir ou l’arrêter, c’est pourquoi je « me suis arrivé » à Pardaillan, qui est à l’opposé de ma tournée et en panne d’essence. La vieille Ménine, m’a dit d’aller voir le curé car il fait  des miracles sur les « atomobiles ».  Je suis donc allé  voir le curé Duffeau, qui s’est écrié : « C’est tout de même malheureux que le Mimile ne t’aie pas montré la manette pour l’accélération ou la décélération ! Vois, c’est ce petit truc : Comme ça tu roules, comme ça tu t’arrêtes. C’est pas plus couillon que ça » 

Il m’a mis l’essence et je suis parti et me voilà.

Le facteur Labonne, desservait Esclottes, et par delà, une maison sur un tertre grillée par le soleil. Mr Labonne montait tous les jours pour porter le journal et redescendait aussitôt. Le  bruit fracassant de sa moto affolait les vaches qui « fuitaient » d’un côté et de l’autre. Seul le taureau prit mal la chose. Tête baissée et raclant le sol d’une patte, il regardait en grondant l’homme et sa ferraille à bruit, puis  fonçât furieusement. 

Mr Labonne accéléra. Quelle vitesse pôvre ! Qu’elle vitesse ! Moto devant, taureau derrière soufflant comme une locomotive, avec par-dessus le marché, un putain de chien qui à son tour prend la moto en grippe au lieu d’attaquer la bestiole en furie ! Qu’elle descente ! Heureusement qu’en bas du tertre s’étirait une haie vive sur un bord de ruisseau courant.

Labonne, sentant le souffle du cornu, fonce tête baissée, traverse d’un seul jet et chute dans l’eau fraîche. Salvatrice clôture qui fit disparaître aux yeux du bestial fonceur, un serviteur respectable des PTT, moto fumante barbotant dans le ruisseau.

Après maintes déconvenues, pluies, orages violents, les facteurs à vélo refirent leur apparition. En mettant le vélo sur l’épaule, il pouvait traverser les cloaques. 

Parmi les facteurs connus de l’auteur, son Papé Marty, Pile Verjus qui faisait sa tournée à petits pas menus d’où son surnom, le facteur Mentu, le Grand Périgord et ses enjambées de deux mètres…

René Blanc